Le métier d’infirmière référente coordinatrice

Le décret du 26/04/1999 sur le conventionnement tripartite des institutions gérontologiques incitait les établissements à nommer un infirmier référent par structure. Aujourd’hui la présence d’un poste d’infirmier(e) référent(e) coordinateur(trice) (IDERCO), est devenue une condition quasi-indispensable au conventionnement des institutions.

De simple fonction de coordination, annexe au temps de soin, la fonction d’ IDERCO est devenue au fil des ans un métier à part entière qui exige des compétences accrues des professionnels afin de remplir cette mission. Les structures sont ainsi de plus en plus nombreuses à demander à leurs infirmier(e)s de se dégager des soins pour occuper la majeure partie de leur temps à la coordination et l’encadrement des professionnels soignants.

Or, la formation initiale en IFSI n’a pas préparé les professionnels à assumer cette fonction de coordination et d’encadrement. Les professionnels peuvent se sentir d’autant plus en difficultés que le secteur de la gérontologie est en pleine mutation :

– dans un contexte de vieillissement de la population, de dépendance accrue, d’augmentation de personnes présentant des pathologies déficitaires,

– dans un environnement de plus en plus exigeant en termes de qualité et de sécurité,

– dans un contexte de professionnalisation de cette qualité (traçabilité, exigence de Bientraitance),

–  dans un contexte concurrentiel et de maîtrise des dépenses,

– dans un contexte de normes exigeantes, de nouvelles pratiques et technologies, de réglementation du travail complexe.

– Dans un contexte de regroupements institutionnels et d’interrogation sur la place de la dimension sanitaire au sein des EHPAD.

Si l’infirmier(e) référent(e)/coordinateur(trice) a aujourd’hui une place centrale dans l’accomplissement de la mission des structures gérontologique auprès des résidants une difficulté demeure très présente, celle de la définition de ses missions exactes. En effet, il n’existe pas à proprement parler de  référentiel métier précis d’IDERCO. La réalité de la diversité du secteur gérontologique et des organisations de chaque structures rend périlleux voire impossible la définition d’un statut ou d’une fiche de poste type : l’IDERCO doit elle se dégager des soins, quelle est sa place dans l’organigramme, doit-elle être considérée comme adjoint de direction, simple référent(e), membre d’une équipe de cadres intermédiaires ? Son rôle est-il purement technique et organisationnel ? Quelle est le champ de ses prérogatives dans le management et l’animation de démarches projets ?

Bien entendu il n’existe pas une réponse. Il existe autant de profils d’infirmières référentes / coordinatrices qu’il existe d’EHPAD. Il sera sans doute nécessaire dans les années à venir, de définir plus précisément les missions et les contours de ce qui ressemble de plus en plus à un métier à part entière.

Sans nous substituer au législateur ou aux instances professionnelles qui seront amenés à préciser ce qu’ils attendent d’une fonction devenue métier, nous pouvons tout de même en définir les contours en nous appuyant sur l’observation de leur travail au quotidien :

L’IDERCO est généralement amenée à animer et organiser le projet d’accompagnement au sein des services, en particulier, avec le médecin coordinateur, le projet d’accompagnement médical . Elle travaille à la coordination des différents acteurs chargés du prendre soin en veillant à ce que cette « prise en charge » soit une mise en œuvre concrète du projet d’établissement.

L’infirmier(e) référent(e)/coordinateur(trice) assure en général 4 grandes missions :

1-     La Conduite et l’encadrement de projets d’accompagnement et de soin

  • Coordination de l’organisation quotidienne de l’équipe chargée des soins et du prendre soin, en étroite collaboration avec la direction et le médecin coordinateur
    • En participant activement à l’organisation des plannings
    • En participant à la démarche d’évaluation de la dépendance des résidents
    • En assurant le suivi des résidents hospitalisés ou en maison de repos,
    • En participant aux démarches de recrutement des professionnels de l’équipe de soin et d’accompagnement
  • Organisation de la mise en œuvre des prescriptions et des soins techniques spécifiques
  • Suivi et gestion des médicaments, produits et matériels médicaux ou paramédicaux
  • Participation et animation de l’écriture du projet de soin porté par le médecin coordinateur, en cohérence  avec le projet d’établissement.
  • Participation forte à la coordination des professionnels de santé salariés et libéraux exerçant dans l’établissement
  • Participation au contrôle du travail des professionnels de l’équipe chargée des soins et du prendre soin
  • Participation à l’évaluation de la qualité des pratiques gériatriques
    • Organisation et mise en œuvre du contrôle et de l’application des règles d’hygiène.
    • Participation aux entretiens d’évaluations

2-     L’Exercice d’une mission de référence

  • Gestion des informations médicales et sociales des résidents
    • Rassembler et coordonner l’ensemble des informations concernant la personne
    • Assurer la transmission des informations nécessaires à l’équipe de soins
    • Assurer la transmission des informations et des observations au médecin coordinateur
  • Assurer un rôle de médiateur
    • Entre le résident et le reste de l’équipe soin
    • Entre le médecin coordinateur et l’équipe soin
    • Auprès des familles
    • Entre la direction, les équipes de l’EHPAD, les résidents et leur famille
  • Garantir la place du résident dans l’institution
    • veiller à la qualité de l’accompagnement médical
    • veiller à ce que cet accompagnement ne prenne pas le pas sur la qualité de vie de la personne.
    • Organiser les actions permettant aux acteurs du soin de prendre en compte la personne dans sa globalité

3-     La Participation à l’encadrement et au management du personnel non soignant de l’EHPAD

  • Dans le cadre de l’accompagnement social et psychologique des résidents
  • Dans le contrôle et le suivi du respect des règles d’hygiène, des régimes spécifiques, de la diététique, etc.
  • Dans le cadre de la construction du plan de formation
  • Dans le cadre du processus de recrutement

4-      La participation forte à la mise en œuvre de projets spécifiques de l’EHPAD

  • Dans le cadre de l’élaboration et la mise en œuvre du projet d’établissement
    • Conduire le projet d’accueil (des résidents et leur famille, stagiaires, etc.)
    • Veille à ce que le projet d’animation soit en cohérence avec le projet de soin
  • Dans le cadre de la prévention des pathologies, de la maltraitance et des souffrances morales du résident
  • Dans la mise en œuvre des partenariats et des orientations stratégiques de l’institution
  • Dans le cadre de la création de nouveaux services
    • Accueil de jour
    • Unités Alzheimer…

Même si dans la majorité des structures le binôme direction/ IDERCO fonctionne plutôt bien, il n’est pas rare que la relation soit tendue : l’IDERCO reprochant à sa direction de ne pas lui laisser assez de responsabilités, la direction reprochant à son IDERCO de parfois vouloir prendre une place qui n’est pas la sienne ou son manque de loyauté.

Il n’est pas toujours simple pour une professionnelle issue du soin de se positionner dans cette fonction d’encadrement intermédiaire qui nécessite parfois de faire un grand écart entre l’équipe d’un coté, les résidents de l’autre, la direction et les familles.

Acquérir la posture d’IDERCO nécessite du temps et une vraie formation.

Du temps, car le métier est à inventer de manière unique dans chaque institution. Du temps car la posture ne peut s’acquérir qu’au fur et à mesure que se tisse le lien de confiance entre l’IDERCO et sa direction. Du temps pour que le responsable hiérarchique puisse définir jusqu’où il peut oser déléguer à une infirmière des responsabilités administrative et/ou managériales. Du temps et de la formation car un métier, même si il n’est pas réellement défini s’apprend.

Au regard de ce que vivent des milliers d’infirmières référentes dans nos ehpad, nous pouvons dire qu’une culture professionnelles est en construction, même si ce métier, ne peut pas pour l’instant se définir en fonction d’une mission ou de tâches types. Certain trouverons ça dommage. D’autres au contraire, penseront ce manque de statut est l’occasion de se faire reconnaître par ses compétences.

Yves Clercq – responsable de la formation IDERCO à l’ICFS Meslay

19 réflexions sur “Le métier d’infirmière référente coordinatrice

  1. article passionnant…et eclairant..je prend un poste d’ide coordinatrice ds 15 jrs dans une maison de Soeurs..c’est une création de poste donc jecroise les doigts…

  2. c’est un métier pasionnant mais le plus difficile c’est le positionnement de la direction.il est vrai que les missions de l’IDER sont importantes et cela peut parfois créer des tensions avec la direction. Le soin est omniprésent dans nos EHPAD et prend une grande place.

  3. Je débute le 05/04/2012 une nouvelle vie d’IDER, merci pour ce blog riche en renseignements (mon employeur me finance l’année prochaine la formation d’IDE Référente) bon courage à toutes ! Virginie

  4. J’aime beaucoup cet article! Et je traverse parfois d’énormes difficultés (pour ne pas dire souffrances) car ma Directrice travaille toujours dans mon dos avec l’ancienne IDEC qui ne voulait plus du poste (nous avons donc échangé car je suis arrivée avec une première expérience de Coordinatrice en SSIAD et que je souhaitais poursuivre en EHPAD, mon projet devait se réaliser au départ à la retraite de cette collègue… mais du coup il s’est mis en place bcp plus tôt!!) Qu’elle catastrophe pour moi de faire valoir ma position, mon rôle, mes missions et mes responsabilités de management! Je suis une personne solide mais là j’ai bien faillit tout lacher devant des façons malpropres de m’ignorer , de contrer mon autorité au près d’un personnel soignant qui avait besoin d’être recadré (conflit verbal avec une famille) ou de mettre des choses en place sans m’informer au préalable (changement d’organisation pour la rédaction des PAI), sans compter que je suis basculée en soins à 3/4 du tps et en alternance sur deux sites où je fais aussi de la coordination …. bref j’arrête car je pourrai en écrire un livre… oui vraiment. Merci pour cet article, je prépare un dossier pour la formation d’IDERCO à Mesley! j’espère vraiment que cette profession sera reconnue à sa juste valeur un jour mais je pense que cela doit bcp dépendre de la Direction également!

  5. je viens de prendre un poste d’IDERCO dans un EHPAD qui n’a pas encore ouvert , il y a tout a préparer pour une visite de conformité , c’est une super expérience, ou tout se complique c’est quand votre responsable démissionne à 1 mois de la visite , et que , évidemment comme tout nouveau batiment de cette ampleur, tous les jours il se passe quelque chose d’anormal ; je peux garantir à ceux ou celles qui ont un doute que direction et IDERCO sont totalement complémentaires , quand on vit cela , je pense qu’on comprend mieux le role de chacun . Merci pour ce blog qui me permet de trouver de bon conseils pour tenir le coup avec une dizaine d’employées qui commencent à s’impatienter .

  6. je suis IDEC dans un EHPAD depuis 2 ans et je trouve mon poste passionnant.Ma direction et moi travaillons en binome et nous sommes tres complementaires ce qui rend le travail tres agreable.Je passe l’oral du concours infirmier territorial demain,en esperant etre reçue.
    J’encourage vraiment à postuler pour ce genre de poste.

  7. Je vais postuler dans quelques heures pour un poste de IDE coordinatrice qui vient de se créer. Je suis jeune, 23 ans, je me demande si ils me laisseront essayer. Je n’y connais rien, de quoi faire exactement jour par jour … La direction nous aide à prendre des marques au début ou non ?

  8. Oui Carine je suis d’accord avec vous nous devrions être reconnu(es) comme tel. Je suis IDEC dans un EHPAD depuis 2005. Je suis passée par des périodes très difficiles et de doute mais tout s’est arrangé avec l’arrivée d’une nouvelle direction qui m’a positionné et accordé sa confiance.

  9. Bonjour je suis Ide coordinatrice dans un ehpad depuis 3 ans, après y avoir travaillé comme Ide depuis sa création pendant une dizaine d’années. La directrice avec qui je travaille s’occupe principalement de la gestion, il y a également un médecin co 2 jours par semaine, souvent en colloque ou en réunion, donc assez peu présent en fin de compte, et surtout occupé à la qualité et a répondre aux nombreuses « enquêtes  » . J’ai un sentiment de solitude et j’ai la sensation d’être utilisée. En effet la directrice ne prend pas parti et si je remonte des faits de négligence ou de maltraitance, elle ne me croit pas, elle dit que ce n’est pas son domaine,que ce n’est pas à elle d’intervenir, voire même, elle ne devrait pas être au courant! Sa théorie est que chaque salarié doit savoir dire a son collègue qu’il est maltraitant ou négligeant et que cela doit rester au sein de l’équipe. Aujourd’hui l’équipe ne comprend pas que les dysfonctionnements ne soient pas sanctionnés, et je me sens en porte à faux. Dans vos établissements y a t’il un consensus pour traiter ce genre de problème? Car si j’interviens, je ne sens pas soutenue. Les équipes font beaucoup de pression sur moi. J’en arrive à douter de mes compétences .
    Merci pour vos réponses

  10. bonjour
    vos sentiments sont légitimes dans un tel contexte… légalement, si il ya des faits de maltraitance, la direction est pleinement responsable, même si elle a délégué la gestion du problème à son cadre intermédiaire (qui d’ailleurs ne reçoit pas toujours avec les moyens ou le droit d’agir en conséquence!)… si effectivement la prévention des situations de maltraitance au travers l’organisation des soins et la coordination des équipes relève totalement de l’iderco, la direction est néanmoins responsable de ce qui se joue dans son institution. Il est clair aussi que lorsqu’une institution est « gérée » et non pas « managée », il en résulte un manque flagrant de management de proximité, ce qui , selon nous (voir sur ce blog les articles sur la question d’e la maltraitance) ne peut que favoriser un climat délétère et des dérives des professionnels les plus fragiles… si vous constatez des situations de maltraitances ou de négligence, vous faites votre devoir en les faisant remonter à votre direction et en l’alertant…si elle ne veut pas entendre et ne vous donne pas les moyens d’agir , en cas de difficultés elle devra quand même rendre des comptes aux instances tutélaires … vous devez continuer à agir dans votre rôle de coordinatrice pour poser la règle et rapeller ce qui est inacceptable… ce qui est est parfois très difficile quand on manque de légitimisation …. vous devez aussi vous protéger en produisant des traces écrites de vos actions auprès des équipes et de votre direction: ils seront la preuve que vous avez essayé d’agir et que vous n’avez pas fait l’autruche… les transmissions orale (à votre direction ou à l’équipe) étant par définition volatiles, il faut que vous écriviez, envoyez des mails clairs, laissez des traces dans les transmissions à chaque situations constatées; en cas de problèmes personnes ne pourra vous reprocher de ne pas avoir assumé vos responsabilités, n’oubliez pas, que quand il faut ouvrir le parapluie, la cadre intermédiaire est un fusible facile….

  11. Bonjour, je reçois le bulletin de l’ordre infirmier et je découvre votre blog.
    Je suis infirmière en ehpad depuis 3 ans, auparavant j’étais ide libérale pendant presque 20 ans.L’infirmière en ehpad a plusieurs casquettes à mon sens, en ce qui me concerne, il y a le rôle propre de soignante, mais s’ajoute celui d’administratif, de gestion des familles, de soutien des collègues,etc
    malgré la présence d’une ide cadre (4 jours/semaine). Récemment je viens d’être élue délégué du personnel, mes collègues m’ayant incité fortement de part mon investissement au travail et mes rapports avec eux.Par rapport à cette charge de travail j’aimerai avoir une reconnaissance plus importante , voire un salaire également en rapport. Existe t’il une formation ide référente?sans passer par la case ide cadre,.Pouvez me donner des renseignements à ce sujet ou me conseiller.
    Avec mes remerciements
    Sylvie.G

  12. Bonjour, le mieux serait de me laisser un message:cliquez sur l’onglet contact (en haut à gauche ) pour m’envoyer un mai..il existe effectivement différentes formations … si vous êtes sous la convention unique vous pouvez être rémunéré en conséquence, à condition d’avoir fait une formation d’au moins 150 heures… certains anciens stagiaires de l’institut Meslay (qui propose une formation assez complète), ont pu passer le concours en fonction public territoriale sans passer par la formation de cadre…vous trouverez sur le blog, le témoignage d’une de ces personnes….

  13. bonjour
    étant étudiante infirmière en 3éme année, pour un travail de santé publique,
    je cherche le texte de loi et décret pour la création du poste de infirmière coordinatrice
    merci de m’aider
    Géraldine

  14. bonjour,
    a la conaissance, il n’y a pas de texte! le seul texte est le décret de 99 relatif au établissements accueillant des personnes âgées ;celui ci ne parle pas d’ide coordinatrices mais d’infirmières référentes….bon courage….

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